mercredi 9 novembre 2011

Présentation Rêves de passage


La route, la rue parfois, ont le pouvoir de créer un état hypnotique, une suspension animée comme dans le rêve.

Régis Durand



L'homme qui marche sur l'accotement de la nationale 100, d'un pas régulier mais machinal, perdu semble-t-il dans ses pensées, insensible en apparence au vrombissement de la circulation, l'air de planer, glisser à quelques centimètres du sol dans une sorte de suspension animée, n'est-il  qu'un voyageur pathologique comme on disait à la fin du dix-neuvième siècle afin de stigmatiser l'errance ou bien la marche le sauve-t-elle pour partie de ses démons ?
De cette question, est né le désir d'aller à la rencontre de quelques marcheurs impénitents. Le désir d'enregistrer leur passage, leur présence, les marques de leur quasi invisibilité, de leur transparence, leurs déplacements dans l'espace en tant que réponse à la souffrance – ou au bonheur pourquoi pas ? – qui  les habite.
Tandis que j'écrivais ces Rêves de passage, les routes et les rues vides se peuplaient : allumé croisé au petit matin, piéton vociférant et brandissant telle une arme de jet un parapluie fermé, zonards se disputant les faveurs d'une fille, jeune traveller anglais se reposant à l'ombre sur une élégante pièce de tissu carmin, vagabond soumis à l'aimantation d'un lieu – l'emprise d'un délire l'illusion de retrouver l'être cher – routard facile à reconnaître : avançant d'un pas décidé, le sac bien arrimé dans le dos, droit dans ses baskets.  
L'écriture aidant, tous sont devenus les héros fragiles d'histoires déjà connues de moi, vécues ou inventées, les personnages de trente-deux instantanés fictionnels qu'accompagnent d'un pas égal au détour des pages les Petites Gouttes Noires de Sophie Menuet, « ombres paradoxales devenues autonomes ».