Fouras-les-bains (17)
4 octobre 2012
par Catherine Pageard
Comment
est-il arrivé là ?
A
bicyclette ? C'est le plus probable.
Et le
panneau « piste cyclable provisoirement interdite aux vélos »,
installé à la sortie de la plage de l'Espérance à cause d'une chicane en béton
jugée dangereuse pour les deux roues, a aussitôt déclenché son ire.
Ni
une ni deux, il sort un stylo-feutre et marque son territoire :
ZONA
ANARCHISTA
gribouille
le signe de ralliement anarchiste du A cerclé ajoute
: REVOLUTION (à côté de la représentation de la bicyclette)
et
d'autres injonctions, rapidement illisibles vue la nature du support.
Quelques
mètres plus tard, il tombe sur l'arrêté municipal du 28 mars 2007 interdisant
aux chiens l'accès aux plages.
C'est
le moment de rappeler – en anglais – que la liberté de mouvement est un droit
qui appartient à tout le monde (EVERYBODYS
RIGHT !).
Pour
faire bonne mesure, il écrit en plus :
NO BORDERS !
NO NATION !
Ni
frontières ni nation !
Sur
un autre panneau du même type, il intervient directement sur le chien auquel –
parions-le – il s'identifie : ajoute une langue, quelques crottes, modifie
légèrement la laisse et redit les droits de celui que la liberté habite :
I GO
WHERE
I
WANT
TO
GO
!
Je
vais où je veux !
Quelques
mètres encore avant d'apercevoir le panneau « L'histoire au fil des
rues ».
Il ne
prend pas le temps de lire le texte – traduit pourtant en anglais à l'intention
des touristes étrangers – mais est sensible à
la liberté de mouvement du groupe d'excursionnistes arrivant au Port Sud en
1910, visible sur la reproduction d'une carte postale signée Charles
Giambiasi
Les
femmes se sont mises sur leur trente et un pour cette excursion dominicale à
Fouras : corsage blanc à col montant froufroutant de dentelles, capelines de
paille garnies de rubans sombres et de fleurs, voilettes pour certaines,
ombrelles pour la plupart à motif de vichy noir et blanc, en toile brodée main,
noire doublée blanche.
Sont
habillés en dimanche les enfants également : costumes marin pour les plus
jeunes, pantalon long et casquette pour les autres.
Les
hommes ont sorti le canotier – excursion oblige, et les petites filles portent
un chapeau de paille garni de fleurs ou de fruits – comme des dames.
Cette
foule endimanchée, tout juste descendue du Point du jour, tournée vers
l'océan à marée haute, sous son charme – ce n'est pas un spectacle courant à
l'époque : il y a peut-être parmi ces excursionnistes une majorité de gens qui n'ont jamais vu la
mer et plus encore qui ne savent pas nager – si bien que la photo prise par
Giambiasi a un côté édénique, à mille lieues des préoccupations de l'anarchiste itinérant qui
inscrit sur le panneau : c'est cool tout de même l'histoire !
HISTORY IS COOL !
Et le
voilà reparti ! Toujours à vélo, pédalant dur pour gravir la Rampe des Prêtres
Déportés – heureusement le nom de la rue lui a échappé sinon cela nous aurait
valu un nouveau graffiti – pédalant toujours quand il débouche sur l'esplanade
du Sémaphore.
Au
Nord-Ouest, le mur d'enceinte de la citadelle, à l'Est, sur sa gauche, la rue
Vauban, à l'Ouest et au Sud-Ouest : l'Atlantique. A cette heure matinale, un
espace sans frontière. Ne se tenant plus
de joie, il hurle à pleins poumons face à l'océan – à l'immensité : NO BORDERS !
Pédalant
sans s'arrêter, zigzaguant entre les piétons, passant au milieu des jets d'eau
installés à l'entrée de la place Carnot,
puis directement sur le trottoir jusqu'à l'entrée du Casino.
Ensuite, un petit tour sur la piste de danse –
ancienne piste de skate – debout en équilibre sur les pédales de son vélo. Puis
il roule à travers le parc où il évite sans mal ses alliés les chiens libres
de leurs mouvements et rapporte enfin le
moyen transport « emprunté » la veille au soir à un estivant qui avait omis de mettre un
antivol.
Increvable
anarchiste !