mardi 16 octobre 2012

Passage éclair – mais remarqué – d'un anarchiste itinérant

Fouras-les-bains (17)
4 octobre 2012
par Catherine Pageard



   

Comment est-il arrivé là ? 
A bicyclette ? C'est le plus probable.
Et le panneau « piste cyclable provisoirement interdite aux vélos », installé à la sortie de la plage de l'Espérance à cause d'une chicane en béton jugée dangereuse pour les deux roues, a aussitôt déclenché son ire. 
Ni une ni deux, il sort un stylo-feutre et marque son territoire :
                                                ZONA  ANARCHISTA
gribouille le signe de ralliement anarchiste du A cerclé ajoute :                                   REVOLUTION (à côté de la représentation de la bicyclette)
et d'autres injonctions, rapidement illisibles vue la nature du support. 

Quelques mètres plus tard, il tombe sur l'arrêté municipal du 28 mars 2007 interdisant aux chiens  l'accès aux plages.
C'est le moment de rappeler – en anglais – que la liberté de mouvement est un droit qui appartient à tout le monde (EVERYBODYS  RIGHT !).
Pour faire bonne mesure, il écrit en plus :
                                               NO BORDERS  !
                                        NO NATION !
Ni frontières ni nation ! 

Sur un autre panneau du même type, il intervient directement sur le chien auquel – parions-le – il s'identifie : ajoute une langue, quelques crottes, modifie légèrement la laisse et redit les droits de celui que la liberté habite :
                                                     I GO
                                            WHERE
                                            I WANT
                                            TO
                                            GO !


Je vais où je veux !  

Quelques mètres encore avant d'apercevoir le panneau « L'histoire au fil des rues ».
Il ne prend pas le temps de lire le texte – traduit pourtant en anglais à l'intention des touristes étrangers – mais est sensible à la liberté de mouvement du groupe d'excursionnistes arrivant au Port Sud en 1910, visible sur la reproduction d'une carte postale signée Charles Giambiasi  
Les femmes se sont mises sur leur trente et un pour cette excursion dominicale à Fouras : corsage blanc à col montant froufroutant de dentelles, capelines de paille garnies de rubans sombres et de fleurs, voilettes pour certaines, ombrelles pour la plupart à motif de vichy noir et blanc, en toile brodée main, noire doublée blanche.
Sont habillés en dimanche les enfants également : costumes marin pour les plus jeunes, pantalon long et casquette pour les autres.
Les hommes ont sorti le canotier – excursion oblige, et les petites filles portent un chapeau de paille garni de fleurs ou de fruits – comme des dames.
 
Cette foule endimanchée, tout juste descendue du Point du jour, tournée vers l'océan à marée haute, sous son charme – ce n'est pas un spectacle courant à l'époque : il y a peut-être parmi ces excursionnistes  une majorité de gens qui n'ont jamais vu la mer et plus encore qui ne savent pas nager – si bien que la photo prise par Giambiasi a un côté édénique, à mille lieues des  préoccupations de l'anarchiste itinérant qui inscrit sur le panneau : c'est cool tout de même l'histoire !

                                                   HISTORY IS COOL  !  




Et le voilà reparti ! Toujours à vélo, pédalant dur pour gravir la Rampe des Prêtres Déportés – heureusement le nom de la rue lui a échappé sinon cela nous aurait valu un nouveau graffiti – pédalant toujours quand il débouche sur l'esplanade du Sémaphore.
Au Nord-Ouest, le mur d'enceinte de la citadelle, à l'Est, sur sa gauche, la rue Vauban, à l'Ouest et au Sud-Ouest : l'Atlantique. A cette heure matinale, un espace sans frontière. Ne se tenant plus de joie, il hurle à pleins poumons face à l'océan – à l'immensité : NO BORDERS !    

Pédalant sans s'arrêter, zigzaguant entre les piétons, passant au milieu des jets d'eau installés à l'entrée de  la place Carnot, puis directement sur le trottoir jusqu'à l'entrée du Casino.
Ensuite,  un petit tour sur la piste de danse – ancienne piste de skate – debout en équilibre sur les pédales de son vélo. Puis il roule à travers le parc où il évite sans mal ses alliés les chiens libres de  leurs mouvements et rapporte enfin le moyen transport « emprunté » la veille au soir  à un estivant qui avait omis de mettre un antivol.
Increvable anarchiste !